Côté Toulouse – 27 novembre 2015
Bati Vigie : c’est le nom d’une nouvelle plateforme censée lutter contre le travail illégal dans la constuction. Une idée toulousaine pour assainir les chantiers. Explications.
Avec Bati Vigie, le BTP déclare la guerre au travail illégal
Quand les professionnels du Bâtiment et des travaux publics (BTP) s’unissent contre le travail illégal, cela donne naissance à la plateforme Bati Vigie. Une innovation toulousaine unique en France. L’idée, lancée en 2013 par Frédéric Pradal, dirigeant du groupe IFECC, a fait son chemin pour aboutir deux ans plus tard sur une application concrète et exploitable.
Nous avons réfléchi à la problématique car nous sommes des techniciens de chantiers, de terrain. Notre bureau d’études livre 1 500 logements chaque année dans le sud de la France. Et puis nous avons été sollicités en janvier 2014 par Kaufman&Broad qui souhaitait contrôler ses chantiers en Midi-Pyrénées, Aquitaine et Languedoc-Roussillon.
D’autres comptes comme Colomiers Habitat, Acantys ou La Cité Jardins ont suivi le sillon.
« Notre mission n’est pas de faire la police »
Avec Bati Vigie, Frédéric Pradal invente un nouveau modèle et de nouveaux métiers dans le secteur. Mais n’allez pas lui parler de police du bâtiment, surtout dans un contexte de polémique sur les travailleurs détachés, au nombre de 300 000 en France… (voir plus).
Notre mission n’est pas de faire la police. Nous apportons un service aux entreprises pour qu’elles s’assurent d’œuvrer en conformité avec la loi. Les maîtres d’ouvrage doivent connaître les gens qui travaillent pour lui, explique Frédéric Pradal.
De façon pratique, chaque contrôleur de chantier dispose sur un Smartphone des informations importantes sur le chantier et les ouvriers comme la localisation, le nom du responsable du chantier, les entreprises concernées, les salariés de chaque entreprise et l’historique des contrôles et des éventuels incidents. À l’issue de sa visite, le contrôleur envoie sa déclaration. En cas d’incident, l’entreprise concernée reçoit un mail automatique demandant de régulariser sous 48 h le défaut constaté.
2 000 personnes dans l’illégalité en Haute-Garonne
Bati Vigie, qui dispose de douze points de contrôle des salariés de chaque chantier suivi, est, en définitive, le symbole et la conclusion naturelle de la loi Savary de juillet 2014, qui renforce la responsabilité pénale des donneurs d’ordre et des maîtres d’ouvrage.
Il était temps car les chiffres de la fraude donnent le tournis. Selon le président de la Fédération du BTP de Haute-Garonne, Frédéric Carré, près de 2 000 personnes seraient dans l’illégalité dans ce secteur en Haute-Garonne. Un département dans lequel, de janvier à juillet 2015, le montant du travail illégal a atteint 1,4 million d’euros, contre un préjudice nationale d’environ 13 milliards d’euros.
Bientôt un chantier public test avec la mairie de Toulouse
C’est ainsi que le logiciel s’applique aussi bien aux chantiers privés qu’aux commandes publiques.
Nous contrôlons actuellement 60 chantiers dans le sud, et nous sommes en pourparlers avec la mairie de Toulouse pour établir un chantier public test. « Cette fonctionnalité peut développer à long terme un marché potentiel de 50 millions d’euros, avec la création de centaine d’emplois administratifs et de contrôleurs de terrains. Actuellement, trois salariés contrôlent nos 60 chantiers, poursuit Frédéric Pradal.
En attendant de savoir si la peur du gendarme va porter ses fruits, le dirigeant d’IFECC a bien l’intention d’aller « vers d’autres activités. On souhaite développer ce service citoyen dans le courant du premier trimestre 2016 ». Vu l’ampleur du système D, le travail ne devrait pas manquer.
En Haute-Garonne, le lancement de la plateforme Bati Vigie s’inscrit dans la continuité de la charte Ethibat, lancée en mars 2015 par la Fédération du BTP de Haute-Garonne. Une charte qui engage les entreprises signataires à privilégier l’emploi local et à respecter les conditions de travail.